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Le Cottage depuis la baie de Talloires

Il était une fois

Du côté de chez Bise

Août 2025
5 min.

À Talloires, une lignée d’aubergistes qui s’écrit depuis plus de 130 ans

Bise, un nom mythique associé à la baie de Talloires. Une lignée de plus de 130 ans.

Une maison familiale devenue emblème de la gastronomie française portée notamment par Marguerite Bise, l’une des premières femmes françaises distinguées de 3 étoiles au Guide Michelin.

Rencontre avec Christophe Bise, cinquième génération de cette illustre famille, qui en perpétue l’art de recevoir au Cottage Bise, entre transmission et modernité.

 

« Porter le nom de Bise, c’est incarner une histoire familiale, faite de passion, de travail et d’exigence. Depuis François Bise, arrivé de sa Suisse natale fin 1800, chaque génération a apporté sa pierre à l’édifice, tout en gardant l’âme de la Maison », Christophe Bise.

Les premières heures d’une légende familiale

Arrivé de Fribourg vers 1890, François Bise se fait embaucher comme cuisinier à bord d’un bateau proposant des excursions touristiques sur le lac d’Annecy. C’est lors d’une escale à Talloires qu’il rencontre Marie Fontaine, issue d’une grande famille du village, qui était pontonnière, comme il y en avait à l’époque à chaque embarcadère. Le destin – et peut-être un coup de pouce de Cupidon – fait le reste. Ils tombent amoureux, se marient, puis décident d’ouvrir une petite guinguette sur le port, posant ainsi les premières pierres de ce qui allait devenir l’auberge du Père Bise.

Aujourd’hui, la création officielle de l’auberge est généralement datée de 1903. Mais selon Christophe Bise, cette date reste approximative : « Je pense que c’était un peu avant. Il n’y a pas vraiment de date officielle », précise-t-il. De leur union sont nés deux fils, Marius et Georges, élevés entre la cuisine et la salle, au rythme des services. Il était donc naturel qu’ils suivent les traces de leurs parents. La dynastie Bise était en marche.

Georges et Fernand Bise - Vignes à Talloires - 1929

© Collection Bise / Georges et Fernand Bise – Vignes à Talloires – 1929

L’auberge du Père Bise

Marius, l’aîné des fils de François Bise et Marie Fontaine, épouse Marguerite, une cuisinière de métier. En 1928, après avoir effectué des travaux d’extension, le couple reprend les rênes du restaurant – lui en salle, elle aux fourneaux -, et lui donne le nom d’Auberge du Père Bise. Marguerite Bise s’impose rapidement comme une figure majeure de la gastronomie française. Elle décroche deux étoiles en 1933, et devient l’une des premières femmes à obtenir trois étoiles au Guide Michelin, dans la lignée de la célèbre mère Brazier à Lyon. Ensemble, elles ouvrent la voie aux femmes dans un univers jusque-là dominé par les hommes.

Parmi ses plats les plus emblématiques, son gratin de queues d’écrevisses restera longtemps un incontournable de la maison, salué par les plus grands gastronomes. C’est à cette époque que l’établissement prend officiellement le nom d’Auberge du Père Bise – en hommage à Marius, l’aubergiste, toujours attentif à l’accueil des clients pendant que son épouse régnait en cuisine.

La tradition familiale se poursuit avec leur fils François, qui reprend l’auberge aux côtés de son épouse Charlyne. Leur fille Sophie leur succède, maintenant ainsi la lignée jusqu’en 2017, année où Magali et Jean Sulpice reprennent le flambeau, écrivant un nouveau chapitre de cette maison emblématique de Talloires.

Le Cottage des Marronniers

Georges, le second fils de François Bise et Marie Fontaine, devient cuisinier. Avec son épouse Claudia, il reprend l’Hôtel Fontaine, une pension de famille située au cœur de Talloires. L’établissement prend plus tard le nom d’Hôtel-Restaurant Georges Bise, et obtient une étoile au Guide Michelin. En 1931, Georges fait l’acquisition d’une villa en bord de lac, qui fait aujourd’hui partie du Cottage Bise.

À l’époque, l’établissement portait le nom de Cottage des Marronniers, en hommage aux nombreux marronniers qui ornaient alors la terrasse.

 

« En 1954, ce sont mes grands-parents, Fernand et Céline, qui reprennent l’affaire. Ils y ont mis toute leur énergie, leur exigence, et ce sens de l’accueil transmis de génération en génération. Mes parents ont ensuite naturellement pris la suite, perpétuant les valeurs familiales avec la même passion. Aujourd’hui, c’est à mon frère Nicolas et moi de faire vivre cette histoire. Nous avons grandi ici, entre les murs de cette maison, au rythme des services et des clients fidèles. C’est bien plus qu’un métier pour nous : c’est un héritage vivant. Et nous sommes fiers de faire perdurer le plus ancien hôtel indépendant du lac d’Annecy ».

Georges Bise

© Collection Bise / Georges Bise

BISE repetita !

Quand le raffinement coule de source, on ne peut que se réjouir que l’histoire se perpétue, génération après génération. Après tout, certaines choses plaisent toujours… surtout quand elles portent le nom Bise.

Ouverture de la terrasse du Cottage Bise - 1931

© Collection Bise / Ouverture de la terrasse du Cottage Bise – 1931

Confidences d’un lieu mythique qui a traversé les époques

Spa impérial

  • En 1860, à l’occasion du rattachement de la Savoie à la France, Napoléon III et l’Impératrice Eugénie séjournèrent à Talloires. Ils logèrent dans la maison qui abrite aujourd’hui le spa du Cottage Bise. Une plaque, toujours visible, en garde le souvenir.

 

Les épinards à la Georges Bise

  • Winston Churchill, qui n’était pas encore premier ministre séjourna au Cottage Bise en 1931. Il détestait les épinards, mais Georges Bise décida de lui en faire goûter à son insu. Il les prépara en gratin, mijotés avec des champignons, déglacés au Noilly Prat et relevés d’une touche de crème. Conquis, Churchill s’écria « Ce ne sont pas des épinards… Ce sont des épinards à la Georges Bise » !

 

Des espions au Cottage Bise

  • Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, le premier étage du Cottage Bise fut réquisitionné par l’armée allemande – comme les deux autres hôtels de la baie de Talloires d’ailleurs. Mais ce que les occupants ignoraient, c’est qu’ils étaient eux-mêmes surveillés… depuis juste au-dessus. Au deuxième étage, des espions britanniques observaient les allées et venues des soldats allemands à travers de petits trous percés dans le plancher. Une histoire jubilatoire qui se transmet de génération en génération.

« I told you I would be back, Georges! »

  • Parmi les nombreuses histoires qui ont marqué la vie du Cottage Bise, celle-ci est restée dans toutes les mémoires. À la veille de la Seconde Guerre Mondiale, un officier américain séjourne à l’hôtel. Rappelé d’urgence pour rejoindre le front, il fait ses adieux à Georges Bise en lui lançant : « Je reviendrai. Quand tout ça sera fini ». En août 1944, fidèle à sa parole, c’est en colonel qu’il revient, à bord d’une jeep militaire filant tout droit vers Talloires. Il avait gardé en lui le souvenir intact de ce lieu paisible, du lac, de l’accueil de Georges. Comme un besoin de réconfort après le chaos.
Libération de Talloires par l'US Army - 23 août 1944

© Collection Bise / Libération de Talloires par l'US Army – 23 août 1944

Quelques dates clés

L’Auberge du Père Bise

  • Fondée par François Bise et Marie Fontaine en 1903
  • Reprise par Marius et Marguerite Bise en 1928 – 3 étoiles au Guide Michelin
  • Succession : François et Charlyne Bise
  • Dernière génération : Sophie Bise jusqu’en 2017
  • Vente à Magali et Jean Sulpice en 2017

 

Le Cottage Bise

  • Ouverture en 1931 par Georges et Claudia Bise – 2 étoiles au Guide Michelin
  • Reprise par Fernand et Céline Bise en 1954
  • Actuellement : Jean-Claude Bise et son épouse Christine
  • En transition vers la 4ème génération avec Christophe et Nicolas Bise
Le Cottage Bise - Fin années 1950

© Collection Bise / Le Cottage Bise – Fin années 1950

Le Cottage Bise

390 route du Port – TALLOIRES-MONTMIN

Tél. +33 (0)4 50 60 71 10

 

Hôtel Le Cottage

Restaurant Les Terrasses

Vue depuis la baie de Talloires - De nos jours

© Cottage Bise / Vue depuis la baie de Talloires – De nos jours

Crédit photo haut de page :

  • © Collection Bise

Journaliste : Aude Pollet Thiollier