Il était une fois
Millet
Un siècle d’innovationsSi aujourd’hui la marque est une référence mondiale pour les profils montagnards les plus affûtés, c’est avec la fabrication de sacs à provisions que l’aventure a commencé, il y a un peu plus de cent ans…
Au fil des décennies, l’histoire de l’entreprise Millet s’est écrite sur fond d’innovations techniques et d’expéditions prestigieuses conduites par des alpinistes emblématiques. Elle fait partie du cénacle d’entreprises locales qui sont parvenues à diffuser le dynamisme et le savoir-faire du bassin annécien bien au-delà des frontières de l’Hexagone.
Retour sur cent années durant lesquelles la famille Millet et la montagne se sont rencontrées, perdues de vue, pour mieux se retrouver en 2021 et sceller à nouveau leurs destins.
© Matt Georges
Tout commence en 1921, lorsque Marc et Hermance Millet, qui tiennent une épicerie aux environs de Lyon, entreprennent de fabriquer des sacs cabas pour leurs clients. L’activité séduit, prend de l’envergure, et le couple finit par délaisser l’épicerie pour les sacs. En 1928, la santé fragile de Marc les ramène près des sommets à Annecy, où ils installent leur atelier. Après sa mort en 1937, c’est Hermance qui reprend l’affaire, secondée par ses deux fils René et Raymond, qui finiront par voler de leurs propres ailes en 1945.
De fil en aiguille, les sacs se perfectionnent, se dotent de bretelles, puis d’armatures ; esquissant les contours des premiers sacs à dos modernes particulièrement adaptés à la pratique de la haute montagne. Des liens d’amitié solides se tissent avec des alpinistes de renom comme René Desmaison, l’annécien Louis Lachenal rencontré au CAF, ou l’italien Walter Bonatti, qui apportent leur expertise et testent les produits in situ. Parmi le fruit de ces collaborations, l’iconique « Sherpa 50 » de couleur jaune, ayant équipé une génération entière, restera gravé dans les mémoires.
© Collection Millet / Les frères Millet et Walter Bonatti (1959)
Millet met dans le mille avec le premier huit-mille
C’est par l’entremise de Louis Lachenal que l’histoire de la marque est propulsée au pinacle. Le 3 juin 1950, il accomplit un véritable exploit, en même temps qu’une première mondiale, puisqu’il fait partie avec Maurice Herzog de la cordée qui parvient au sommet de l’Annapurna, à plus de huit-mille mètres d’altitude. Les deux hommes sont équipés d’un sac à dos conçu spécialement pour l’occasion par la marque, l’ »Annapurna 50″, qui restera dans la légende comme le premier à avoir atteint le « toit du monde », photos à l’appui.
© Collection Graziani / Yannick Graziani au sommet de l'Annapurna (2013)
Rien ne peut désormais plus arrêter l’ascension entreprise par les frères Millet. Ils poursuivent leurs recherches pour concevoir du matériel toujours plus technique et confortable, qu’ils continuent de faire tester par des alpinistes, et qui accompagnent leurs exploits dans les situations les plus extrêmes. Ainsi, dans les années soixante, la toile est délaissée au profit du nylon, plus léger et surtout imperméable. Dans les années quatre-vingt, les premières doudounes voient le jour, suivies des vestes en Gore-Tex…
Avec l’explosion des loisirs, l’activité est florissante et les ateliers se transforment en ruche où s’activent sans relâche les employés : de quinze au début des années cinquante, ils sont cent-vingt en 1980. Toute la famille mettait la main à la pâte, se souvient Françoise Millet, fille de René.
« On fabriquait toute l’année. Le plus gros client était le Vieux Campeur. Parfois, il appelait et demandait 200 sacs pour dans deux jours ! »
© Millet
Un nouveau souffle et toujours des projets par "Millet" !
Après avoir été revendue, subi quelques turbulences en passant successivement dans les mains de différents repreneurs, la marque revient enfin dans le giron familial en 2021, reprise par Jean-Pierre Millet, petit-fils des fondateurs, et son neveu Romain, qui était déjà dans les murs depuis 2020.
La marque, déjà engagée depuis 2005 dans une démarche écoresponsable, entend poursuivre dans cette voie : production locale, établissement d’un bilan carbone (avec un objectif zéro carbone en 2025), opérations de collecte et de recyclage des cordes d’escalade, participation active au nettoyage de la Mer de Glace, expéditions de nettoyage des camps de base des 8000 himalayens… autant d’actions qui attestent d’une volonté de conjuguer innovation, excellence et développement durable.
© Matt Georges
En septembre dernier, une boutique Millet voyait le jour dans les Nouvelles Galeries, fraîchement inaugurées. La cinquième en France et la septième en Europe. Une boutique dont l’agencement reprend les codes de la montagne : îlots centraux en forme de rochers, corde rouge qui court le long du magasin, clin d’œil à celle des alpinistes, photos qui retracent les cent ans de la marque… L’aventure se poursuit…
Une autre histoire
Crédit photo :
- © Matt Georges
Journaliste : Aude Pollet-Thiollier