L’Esquisse

C’est au 21 de la rue Royale que Stéphane Dattrino et sa femme Magali ont posé leurs valises il y a 14 ans.

Lui, en cuisine ; elle, sommelière attentive en salle. Ensemble, ils ont façonné L’Esquisse, un restaurant intimiste de 20 couverts à la devanture discrète, réparti entre deux tables en rez-de-chaussée et une petite salle nichée à l’étage. L’adresse a décroché une étoile Michelin il y a neuf ans, une reconnaissance venue « sans prévenir », confie le Chef.

« On essaye juste de la conserver, mais on n’a pas l’intention de se lancer dans la course aux étoiles. »

Créativité et simplicité sont les maîtres mots, à la carte comme dans la décoration, avec 2 menus ; le menu Surprise en 3, 5, 6 ou 10 plats ; et le menu Expression Gourmande, qui se décline en 3 ou 5 plats. Chaque jour, deux desserts viennent clore le repas en finesse : l’un autour du chocolat, l’autre mettant à l’honneur les fruits.

Si le Chef revendique une liberté de création et des plats inspirés du marché voisin, où il se rend deux fois par semaine, certains plats n’ont pas quitté la carte depuis l’ouverture, sous peine de provoquer une rébellion chez les clients habitués.

C’est le cas du Cappuccino de pommes de terre au parfum des sous-bois servi dans une tasse, du Cœur de ris de veau croustillant, ou la purée de chou-fleur et chou plat braisé, servie avec des pickles de chou-fleur, monté en strates comme un mille-feuilles végétal, avec une tombée de chou-fleur cru râpé et œufs de brochet fumé.

Natif du Beaujolais, c’est après une étape à Biarritz que Stéphane Dattrino arrive à Annecy, par l’entremise de Yoann Conte, pour devenir l’adjoint de Laurent Petit, au Clos des Sens, où il restera sept ans, avant d’ouvrir L’Esquisse avec Magali.

Il y a deux ans, le Chef a opéré un virage vers le végétal. Les jus de viande ont été remplacés par des jus à base de légumes, obtenus après réduction et caramélisation, qui viennent enrober les mets. Son travail s’articule autour d’une approche profondément respectueuse du légume, devenu l’élément central de l’assiette.

« Je ne fais plus aucune sauce ou jus à base de viande, mais exclusivement de légumes », explique-t-il, privilégiant ainsi une cuisine plus durable et vivante. Chaque partie du végétal est valorisée, sans déchet : « Je veux le travailler dans son entièreté ».

À titre d’exemple, un plat de haricots tarbais s’accompagne d’une garniture composée d’échalote, de gingembre, de fenouil et d’épices. La garniture est ensuite rôtie et colorée pour entrer dans la composition d’une sauce. Les asperges, quant à elles, sont traitées avec une rigueur similaire : leurs peaux, d’abord cuites à l’eau, sont ensuite caramélisées et infusées dans leur propre bouillon, qui servira à cuire les asperges. « Un condensé de goût », affirme le Chef. Sans recours au beurre ni à la crème, c’est « juste le produit » qui parle. Dans cette logique, la viande devient une garniture brute, venant simplement souligner le travail réalisé sur la sauce végétale et le légume.

Les légumes sont soigneusement sélectionnés sur le marché, et les fromages proviennent de producteurs reconnus comme Pierre Gay, Meilleur Ouvrier de France, ou encore du Farto à Thônes. Le Chef privilégie des fromages régionaux, toujours cuisinés, jamais bruts. Ainsi, une tomme fraîche se transforme en siphon léger, accompagnée d’un granité de cresson. Quelques noix torréfiées ajoutent du croquant, tandis que le carvi sauvage apporte une fraîcheur subtile.

Adepte de cueillette de fleurs sauvages, le Chef est aussi jardinier à ses heures et a entrepris la culture d’un potager d’herbes aromatiques de 40 m², dans lequel poussent près de 200 pieds d’aromates. Sarriette, thym, thym citron, ciboulette, persil plat, plusieurs variétés de basilic, agastache ou encore capucines : autant d’essences cultivées avec soin et utilisées fraîches en cuisine. Certaines, comme la sarriette, sont même transformées en sirop maison, entrant dans la composition de l’apéritif signature du restaurant.

L’Esquisse est une adresse à part, discrète et sincère, où l’exigence se mesure à l’attention portée à chaque détail. Sans doute l’un des secrets les mieux gardés d’Annecy.

Une très belle découverte pour les amateurs de cuisine fine et une bonne nouvelle : cette expérience est rendue encore plus accessible avec un premier menu entrée, plat et dessert proposé à 55 €, servi uniquement le midi, du mardi au vendredi. Une invitation à découvrir l’univers singulier de Stéphane Dattrino et de sa femme Magali.