Inspiration
Formes et mouvements, matières et créations
Modeler, tailler, donner corps à l’idée et peaufiner la forme, la sculpture appartient à ces formes d’expression artistiques qui taillent dans la matière, la façonnent à l’envi pour créer formes et volumes, figures et motifs et ainsi donner vie à tout un espace figuratif ou décoratif, réaliste ou imaginaire, l’inspiration comme souffle, la création pour impulsion.
Partons à la rencontre de deux personnalités représentatives de la sculpture à l’état pur : Philippe Duret et Vanessa Renoux.
L’art est dans la matière
Pour Philippe Duret, la sculpture est apparue comme une évidence dans un parcours presque instinctivement dédié à celle-ci. Après un CAP de menuisier ébéniste à l’ECA d’Annecy-le-Vieux, Philippe Duret exerce son métier durant une année tout en continuant à dessiner, beaucoup, souvent. Jusqu’à concrétiser cette appétence naturelle par une formation de sculpture à Avignon. Puis confirmer l’évidence : « on ne devient pas sculpteur, on l’est », nous confie-t-il.
Un concours, celui de la société d’encouragement aux métiers d’art (SEMA) où il arrive 1er en départemental & régional et 6ème au niveau national, un contrat de qualification de deux ans sur Paris et des cours du soir suivis aux ateliers des Beaux-Arts ainsi qu’à la fédération compagnonnique de la ville de Paris, la destinée est lancée et les techniques d’ornement et de style perfectionnées.
Puis vient le temps de revenir en Haute-Savoie et de s’installer, seul en selle, dès 1994. Philippe Duret a 28 ans et confirme sa vocation jusqu’à se lancer dans le concours emblématique de Meilleur Ouvrier de France… et l’obtenir dès la première tentative ! Le sujet : une frise en chêne d’inspiration Louis XIV sur le thème de Bacchus. Une consécration. Et une évidence pour dérouler depuis le fil d’une activité qui prend plusieurs orientations ; la sculpture, la statuaire et l’ornement mais aussi tout un travail très spécifique de restauration d’œuvres d’art.
© Lestudioz / Philippe Duret
Ce travail de restauration exige une approche préalable pour définir le contexte historique, analyser le sujet avec des historiens d’art, conservateurs et scientifiques, déterminer les procédés, techniques et matériaux qui permettront de retrouver l’intention esthétique originelle de l’ensemble et ainsi rétablir l’intégrité de l’œuvre. Un processus particulièrement rigoureux qui impose des codes dans lesquels il faut s’immerger cœur et âme mais qui nécessite surtout des mois d’investissement.
« Lorsque l’on passe d’une époque à une autre, il y a toujours un petit temps d’adaptation, il faut faire table rase à chaque fois ».
Une remise en question exigée par chaque projet, comme lorsque Philippe Duret enchaîne la restauration d’un œil de bœuf à Versailles à la réhabilitation d’un retable pour une église. Volte-face. Changement de décor.
© Lestudioz / Sculpture sur bois
A ce travail de figure imposée s’ajoute celui de la création qui ouvre le champ de la liberté. Un équilibre nécessaire pour retrouver ce souffle créatif essentiel à tout artiste. « La création est une respiration ».
Le travail du modelage comme préalable pour définir la forme et les contours, trouver les proportions et les expressions les plus justes et ensuite le passage au travail de la matière, le bois en particulier, est le modus operandi privilégié par Philippe Duret.
« Au final, ce qui est important c’est toujours le dessin, du début jusqu’à la fin. La sculpture c’est 99% de dessin. » Parmi les techniques et motifs favoris du sculpteur, il y a la statuaire, les figures humaines et animalières, la ronde bosse et le haut relief. Pour autant, Philippe Duret ne travaille que sur commandes, un artiste artisan de son art. Un thème, une intention donnés et ensuite vient l’inspiration. Purement décoratif, ornemental ou floral, résolument figuratif ou représentatif, chaque motif a son histoire, celle que lui insufflent les commanditaires.
Une histoire à laquelle s’ajoute le supplément d’âme de l’artiste qui lui donne corps, à corps perdu.
Ornement sur bois – Rosace Louis XIV
Pour venir découvrir le travail de Philippe Duret, la porte de son atelier d’Aviernoz – sur la commune de Fillière – est ouverte aux curieux et aux passionnés, à ceux qui ont un projet ou une envie particulière.
Poussez la porte, la rencontre avec tout cet univers de motifs entremêlés est un moment dont on ne peut que se souvenir.
Le détail des volutes, la courbe des corps, le mouvement des drapés, le talent est dans chacun des détails, l’engagement dans chaque mouvement, la matière prenant forme à mesure que l’œil de l’artiste en interprète les contours.
Restauration – Trumeau de glace
L’art est dans le mouvement
Pour Vanessa Renoux, la sculpture est également arrivée très tôt dans un parcours qui ne la destinait pour autant pas à cette pratique.
Un parcours universitaire scientifique et un doctorat en physique appliquée à l’archéologie obtenu en 2000 auraient dû pousser Vanessa Renoux vers des contrées moins créatives.
Pour autant, la pratique artistique est toujours présente en filigrane. Des ateliers de croquis de nus sur modèles vivants, un goût pour la liberté de la création et l’envie grandissante de vivre de ce processus d’expression libre germe jusqu’à éclore, très vite. D’abord en créant une ligne de bijoux puis, de lignes en volutes, en évoluant doucement vers la sculpture de formes originales.
© gillmaheu.com / Vanessa Renoux
Et aux prémices un parti pris, celui du caractère revendiqué éco-responsable dans les procédés choisis. « J’ai toujours eu envie de créer avec des matériaux que j’avais sous la main, dans une certaine idée de recyclage de l’existant ».
C’est ainsi que Vanessa Renoux développe sa technique de prédilection. Une technique mixte qui consiste à partir de tiges d’acier, véritable armature en métal qui fait office de squelette, puis à élaborer un mélange de papiers qui est ensuite compressé et encollé pour créer le volume et donner corps à la forme. Mixer, enrouler et superposer ce mélange de papier et de colle, ajouter aussi parfois un peu de céramique pour trouver l’équilibre entre la légèreté de l’aspect recherché et la solidité de la création, et finir par poser la couleur qui, selon les aspérités de la surface, va permettre de donner cet effet de sculpture de bronze aux reflets irisés.
Œuvre "Chat aux couleurs du lac"
C’est à partir de ce postulat que Vanessa Renoux a trouvé un style, son style. De longues figures longilignes, courbées en légèreté, aériennes et graciles, qui semblent voltiger à l’orée d’un univers onirique tout en grâce.
« Avec le papier, j’ai l’impression de m’affranchir de la gravité, d’échapper à la pesanteur et les irrégularités du matériau me permettent ces effets de matière et de texture qui donnent du caractère à la matière ».
Une fois la surface peinte, les plissés et les craquelures révèlent cet effet patiné aux mille et une nuances de teintes, mordorées et bleutées.
Œuvres "Golfeurs/ses"
Parmi les influences de Vanessa Renoux, il y a les sculptures des grecs et des étrusques, les statues tronquées retrouvées des siècles après, écho rebondissant de ses études portées sur l’archéologie. Mais il y a aussi ces inspirations plus modernes, Rodin et Camille Claudel, ou contemporaines, Alexandre Calder, mais sans jamais prendre trop de place.
Ne pas se laisser trop imprégner et garder l’angle grand ouvert à la singularité avec pour obsession majeure, la forme et le mouvement. D’où ces figures de danseuses qui peuplent l’univers de Vanessa Renoux, ces personnages perchés sur leurs balançoires, ces mobiles laissés à la cadence du vent et tout ce bestiaire d’animaux longilignes saisis dans un élan.
Et là encore, le croquis, le dessin comme trait d’impulsion avant de se laisser emporter par le temps du façonnage qui courbe la trajectoire et lui donne parfois une nouvelle orientation.
Œuvre "Pont des Amours"
Tout cet univers de créations originales est à découvrir en direct à l’atelier de Vanessa Renoux situé dans le village d’Alby-sur-Chéran où l’artiste expose aussi un autre volet de son travail, pictural cette fois, qui combine l’iconographie des estampes japonaises et la technique de l’aquarelle.
Quelques œuvres sont également exposées à la Galerie 17 à Annecy. Pour les expos temporaires en cours et à venir, rendez-vous jusqu’au 26 août à la Galerie Paul’Art à Annecy et du 4 au 6 octobre pour l’exposition Art3f à Rochexpo de La Roche-sur-Foron.
© gillmaheu.com / Création d'un taureau à l'atelier
Une autre histoire
Crédit photo :
- © gillmaheu.com / Création d’un taureau à l’atelier
Journaliste : Gaëlle Tagliabue