Portrait

#Dominique Cruciani

Une vie entre ciel et terre

Août 2023

3 min.

Il fut l’un des premiers en France à proposer des baptêmes en deltaplane.

Nous sommes alors dans le milieu des années 70 et Dominique Cruciani appartient à la génération des pionniers de la discipline, ces « têtes brûlées » épris de liberté qui en ont expérimenté les balbutiements. Sa passion pour le vol l’a conduit à s’initier à toutes sortes de glisses et de techniques : monoski, surf, chute libre, parapente, base jump, delta, ULM et hélicoptère. Aujourd’hui, il est à la tête de Delta Evasion.

Rencontre…

« A tout juste 17 ans, je suis parti découvrir un espace de liberté explorant le ciel, la montagne et la mer ».

Lorsqu’il débarque dans la région, Dominique est bien décidé à prendre son envol aux côtés des figures emblématiques du Col de La Forclaz de l’époque : Noël Veyrat (dit « Nono ») et Michel Tagliabue, qui le prennent sous leur aile.

« Le vol en deltaplane, né dans les années 70 en était encore à ses balbutiements, c’était le début d’une aventure. On volait mais c’était quand même dangereux à l’époque. On bricolait », se souvient-il. « Aujourd’hui ça n’a plus rien à voir et le matériel est fiable et super au point », poursuit-il.

D’aventures en aventures

Ses premiers vols, il les fait en 1976 et intègre l’Equipe de France de deltaplane dans les années 80. Très vite, il organise des vols biplaces, au Col de La Forclaz l’été et à l’Alpe d’Huez l’hiver, une façon de vivre de sa passion. « À l’époque, on se lançait sans diplôme, puisqu’il n’en n’existait pas ».

Il ne tient pas en place et expérimente tout ce qui vole. À l’Alpe d’Huez, il organise des sauts en parachute depuis un hélicoptère, imagine des liaisons skieurs avec les 2 Alpes, a mille idées à la minute pour favoriser le développement de l’activité touristique de la station, ce qui l’amène à diriger la base hélico de l’Alpe d’Huez durant une quinzaine années.

Il y a une dizaine d’années, il décide de rapatrier l’ensemble de son activité au Col de La Forclaz et à Doussard. Voiles de la même couleur, camions flockés, tenues identifiables et même une équipe de filles les Delta Girls.

Dominique, qui est aussi un visionnaire, est l’un des premiers à réfléchir à une stratégie de communication pour professionnaliser l’activité, cassant l’image « beatnik – baba cool ».

Dans la foulée, il crée Deltaland à Doussard, juste à côté de l’aire d’atterrissage des parapentes, qui est désormais son camp de base, un lieu de détente avec trampolines, école de trapèze et buvette où il organise également des évènements privés. Il se prend de passion pour son nouveau « joujou », l’hélico ULM, un cockpit panoramique surmonté de palles, idéal pour découvrir les paysages uniques du bassin annécien. Travaux aériens, photo aérienne, vols touristiques, il ne chôme pas.

Parapente et danse aérienne avec Delta Evasion

"Quand je vole avec les oies, je ne fais pas de l’ULM, je fais de l’oiseau. C’est moi l’oie capitaine"

Sa dernière lubie, voler avec des oies, une idée qui a germé dans sa tête depuis qu’il a participé au tournage du Peuple Migrateur en 1998. Une épopée qui durera quatre ans et l’entraînera aux quatre coins du monde.

« Je me suis inspiré du film le Peuple Migrateur de Jacques Perrin auquel j’ai participé en tant que pilote d’ULM pour les prises de vue. On volait avec des oies imprégnées. Je me suis dit que ça me plairait de renouveler l’expérience à mon compte à Deltaland ».

Il commence par élever ses oies, dès la naissance. On parle de phénomène d’imprégnation, c’est-à-dire que les oisillons considèrent comme leur mère la première personne qu’elles aperçoivent lorsqu’elles sortent de l’œuf, et avec laquelle elles tisseront des liens étroits. Il commence par les familiariser avec le ronronnement du moteur en les habituant à se balader à côté de l’ULM. Puis, petit à petit, elles décollent avec lui et l’escortent de plus en plus haut, de plus en plus longtemps.

Aujourd’hui, c’est en symbiose totale qu’il vole avec ses oies, qui se positionnent généralement sur l’arête de l’aile pour mieux se faire porter, et puis parfois c’est elles qui mènent la danse et ouvrent la voie. Dominique a dû équiper le moteur de l’ULM avec une cage pour que les oies ne se prennent pas dans l’hélice. « Quand je vole avec les oies, je ne fais pas de l’ULM, je fais de l’oiseau. C’est moi l’oie capitaine » déclare-t-il. « Les gens viennent de toute l’Europe pour vivre cette expérience. Ce sont des vols émotions ».

Il est vrai que le survol du lac d’Annecy, de ses lagons, du marais de Doussard, du Château de Duingt, du Roc de Chère et de la Baie de Talloires au petit matin est véritablement féérique.

Les vols sont interrompus de mi-juillet à fin août, pour respecter la période de mue des oies. Ils reprendront à l’automne.

Il est fort à parier que l’appétit insatiable d’exploration aérienne ne quittera pas en si bon chemin celui qui comptabilise pas moins de 45 000 vols !