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Annecy Paysages

Inspiration

Annecy Paysages : une invitation à rêver la ville

Juillet 2025
5 min.

Annecy Paysages ne se contente pas d’être un évènement artistique ; il devient un véritable manifeste paysager, une déclaration d’amour à la ville, à l’eau qui la serpente, aux arbres qui l’ombrage et aux gens qui la font vivre.

À l’heure où l’on parle souvent de « réensauvager » les villes ou de repenser nos modes de vie, cet événement montre que l’art peut être un catalyseur sensible de ces transformations. Alors, prêts à vous laisser porter au fil de la ville et à vous laisser surprendre ?

L’art est dans la rue

Dès le 5 juillet 2025, Annecy se transforme une nouvelle fois en musée à ciel ouvert.

Pour sa huitième édition, Annecy Paysages revient dans un format désormais biennal, proposant aux visiteurs une exploration sensible de la ville, entre nature et urbanité, ponctuée de 25 œuvres contemporaines, dont 7 nouvelles créations inédites.

Cette année, c’est le Thiou, rivière emblématique d’Annecy, qui devient le fil rouge de ce parcours artistique en pleine ville.

Une ville en paysage

Organisé par Bonlieu Scène Nationale, Annecy Paysages a su, depuis sa création, s’imposer comme un événement incontournable de l’été annécien. Ici, l’art sort des musées et investit les rues, les jardins, les rives.

Il s’inscrit dans le paysage, le questionne, l’éclaire autrement. L’enjeu n’est pas seulement esthétique, il prend bien d’autres dimensions – écologique, politique, poétique. À travers les œuvres disséminées, Annecy Paysages interroge notre rapport au territoire, à la ville, à la nature, dans un contexte de crise climatique que les Alpes ressentent fortement.

« Ces artistes, dans la diversité de leurs pratiques, réussissent une série de petits exploits : en prenant nos sensations et nos émotions comme porte d’entrée, ils posent un regard neuf sur ce qui nous entoure, montrent ce qu’on ne voyait pas – ou plus –, rendent visibles l’invisible, nous relient entre humains, nous lient à notre biotope », commente David Moinard, Commissaire Annecy Paysages 2025.

Annecy Paysages

© Priscille Depinay

Le parcours artistique se distingue en trois zones

  • Du côté de l’Impérial et des bords du lac, pour une immersion dans la beauté apaisante des rives.
  • En cœur de ville, où le patrimoine architectural dialogue avec des installations contemporaines.
  • Le long du Thiou, véritable colonne vertébrale de cette édition 2025.

 

Au fil du Thiou

Courte, sinueuse et précieuse, la rivière du Thiou ne mesure que deux kilomètres. Elle relie le lac d’Annecy au Fier, traversant des paysages d’une incroyable diversité : berges minérales, friches urbaines, zones semi-sauvages et quartiers animés. Ce sont ces métamorphoses paysagères qui ont inspiré les artistes invités.

Le Thiou agit ici comme un révélateur. Il est à la fois un espace de fraîcheur, un refuge de biodiversité et un marqueur de l’histoire annécienne. A l’heure où les villes doivent se repenser face au changement climatique, ce mince filet d’eau devient un symbole d’équilibre fragile et un terrain vivant d’expression artistique.

Au gré des œuvres inédites

Cette édition met en lumière sept créations originales, dont plusieurs sont installées au fil de l’eau. Petit tour d’horizon…

 

  • « Courbe de l’eau » de Zoro Feigl

Promenade du Thiou – Barrage hydroélectrique

Des cercles d’acier inoxydable courent à fleur d’eau et se soumettent à ses caprices et ses forces. Une sculpture-spirale qui n’a ni début ni fin et trouble le regard qui s’enroule à l’infini, révélant la force tranquille de la rivière, témoignant d’une puissance insaisissable et sous-jacente.

Annecy Paysages : "Courbe de l'eau"

© Priscille Depinay / "Courbe de l’eau" de Zoro Feigl

  • « Déconquête » de Julien Berthier

Promenade du Thiou – Pont SNCF

Archétype de la sculpture publique, la statue équestre est ici détournée. Le cheval débarrassé de son cavalier et comme abandonné dans un paysage en voie d’ensauvagement pose mille et une questions : la nature reprend-elle ses droits sur l’humanité ? Le symbole guerrier de grandeur et de domination n’est-il plus que le vestige des temps passés ? À chacun de s’abandonner à son interprétation…

Annecy Paysages : "Déconquête"

© Priscille Depinay / "Déconquête" de Julien Berthier

  • « Dendrochronologie » de Yuhsin U Chang

Promenade du Thiou – Île Mercier

Science permettant de dater les événements passés en étudiant les cernes de croissance des arbres, la dendrochronologie est ici réinterprétée sous la forme d’un cercle de bois éclaté. Refuge d’une mémoire séculaire qui peut raconter les époques et enregistrer les événements climatiques et bien d’autres paramètres, les cernes enchevêtrés les uns dans les autres symbolisent ici la puissance de captation de l’arbre comme un lien ténu entre passé et présent, infiniment grand et infiniment petit.

Annecy Paysages : "Dendrochronologie"

© Priscille Depinay / "Dendrochronologie" de Yuhsin U Chang

  • « Glissement » de Chloé Beaulac

Promenade du Thiou – Le Cercle de l’eau

Sur un mur de gabions de 4m de haut et 40m de long, Glissement est un ample trompe-l’œil. Créant une illusion de profondeur, il reproduit un aqueduc romain comme un pont imaginaire reliant Annecy et le Québec. Un récit visuel qui fait aussi des ponts entre nature et culture, exploitation humaine et résilience naturelle.

Annecy Paysages : "Glissement"

© Priscille Depinay / "Glissement" de Chloé Beaulac

  • « Jour de fête » de Mireille Fulpius & Sylvie Bourcy

Promenade Louis Lachenal (Thiou)

Le motif de la barque, errante et abandonnée, est repris comme une image poétique. Fragiles et ballotées par les vents, échouées et laissées pour compte, elles parlent aussi des destins brisés de ceux qui les empruntent au péril de leur vie dans l’espoir d’un ailleurs meilleur.

Annecy Paysages : "Jour de fête"

© Priscille Depinay / "Jour de fête" de Mireille Fulpius & Sylvie Bourcy

  • « Kapia » de GRRIZ

Promenade du Thiou – Pont Sainte-Thérèse du Québec

C’est sur une passerelle piétonne que l’artiste a choisi d’implanter une sculpture fonctionnelle prenant la forme d’un abri en bois incitant les passants à s’assoir et à observer ces lieux où ils ne font d’ordinaire que passer. La charpente recouverte d’une surface miroir reflète le ciel et les eaux, les ombres et les lumières et l’alcôve transforme l’espace public désincarné en un lieu de relation.

Annecy Paysages : "Kapia"

© Priscille Depinay / "Kapia" de GRRIZ

  • « Still Standing » d’Antony Gormley

Toit de la Turbine Sciences

Issue de la collection Claudine et Jean-Marc Salomon, la sculpture Still Standing est présentée pour la première fois dans l’espace public de la ville d’Annecy. Un corps dressé et figé dans une verticalité vertigineuse, une présence silencieuse au bord de la chute, la silhouette érigée dialogue avec le paysage urbain et le monde qu’elle surplombe.

Annecy Paysages : "Still Standing"

© Priscille Depinay / "Still Standing" d’Antony Gormley

Un parcours ouvert à tous les regards

Annecy Paysages a toujours misé sur l’accessibilité au gré de ce parcours libre et gratuit qui peut se découvrir à pied, à vélo, seul, en famille ou entre amis. Loin de ne s’adresser qu’aux amateurs d’art, Annecy Paysages offre la perspective de (re)découvrir Annecy autrement. À la manière d’un théâtre vivant, la ville, la nature et la création s’entrelacent et il suffit d’ouvrir les yeux et de prendre le temps de s’arrêter pour avoir accès à une lecture différente de l’espace… et alors laisser ses sens et son imaginaire déborder.

 

Une projection illustrée du parcours

Pour accompagner cette édition, l’illustratrice Priscille Depinay a été invitée à proposer une relecture graphique du parcours. Formée aux Beaux-Arts de Rouen, elle mêle dessin traditionnel et mise en couleur digitale, composant des univers à la fois réalistes et subtilement décalés. Son travail s’inscrit dans une forme de narration visuelle, jouant avec les échelles et les atmosphères. Elle réinterprète les œuvres exposées avec poésie, créant une cartographie subjective d’Annecy Paysages. Grâce à ses illustrations, les visiteurs peuvent s’imprégner de l’esprit du parcours avant même de s’y aventurer, ou même prolonger l’expérience après la visite.

Un évènement enraciné dans le territoire

Annecy Paysages s’intègre pleinement dans le tissu culturel local et de nombreux partenaires s’associent à la manifestation en proposant pendant l’été des expositions, performances, rendez-vous ou temps forts en écho à l’évènement. Annecy, ce n’est pas seulement un paysage de carte postale, c’est aussi un lieu d’expérimentations artistiques, de réflexions environnementales, de créations partagées qui laissent un espace d’expression aux sensibilités.

L’instauration d’un rythme biennal est une nouveauté importante qui prend le contre-pied d’une consommation culturelle frénétique pour mieux nous inviter à ralentir, à penser et à poser notre regard. C’est une façon aussi d’offrir aux artistes plus de temps pour concevoir des œuvres ancrées, souvent in situ, pensées en dialogue profond avec leur environnement. Ce changement permet enfin de susciter le désir pour mieux en savourer le caractère exceptionnel. Car Annecy Paysages, c’est cela : prendre le temps de la marche et de la contemplation, laisser s’immiscer la surprise et la réflexion.

 

Annecy Paysages

Crédit photo haut de page :

  • © Priscille Depinay

Journaliste : Gaëlle Tagliabue